La notion de composition en sculpture pose parfois des questions auxquelles il est difficile de répondre dans l’instant. J’avais parlé et montré dans un article sur ce même blog un minotaure pour lequel j’ai reçu une commande. Il sera réalisé en bronze (cire/perdue) et de belle taille puisqu’il fera un peu plus d’un mètre soixante. A cette échelle je n’avais pas d’autre choix que de le travailler par élément à assembler. Pourtant j’avais déjà une vision précise, quoique virtuelle, de l’ensemble comme l’atteste les nombreuses images de synthèse ainsi le que le film qui accompagne le post en question. En fait le passage par la main du volume implique un changement d’échelle de temps qui modifie la vision. En effet, en travaillant le minotaure par « tranches » en papier puis en cire, le temps s’allonge. Je ne suis plus dans un état de réflexion visuel interactif avec mon outil (le logiciel de modélisation) où j’interviens sur le volume de la sculpture en réaction avec ce que je voie à l’écran. Il y à une sorte d’action/réaction quasi instantanée et interactive : si je bouge une face de mon volume, le reste du volume s’adapte à ce changement. Je fais, sans jamais rien calculer, des mathématiques différentielles dont la puissance est au service du logiciel. Le temps d’adaptation du volume existe si peu dans cette logique de travail que ce n’est pas sans conséquences sur ma propre adaptation au volume! Par contre le passage à la réalité physique du travail du papier et surtout de la cire implique de longues heures de mise en forme. L’état psychologique de travail est plus proche de la lente maturation et laisse le temps à l’introspection. Ce qui c’est passé sur le minotaure c’est que finalement je me suis mis à vivre chaque volume comme une sculpture à part entière en oubliant que l’assemblage des pièces donnerai forme à un sujet : le minotaure. Aussi, la phase de montage des morceaux de sculpture m’ont mis en face d’une nouvelle sculpture faite d’assemblages de divers moments. Après une semaine de ce travail je retrouve la vision qui m’avais poussé à développer ce projet et c’est comme si je retrouvais l’usage des articulations. Je me lève et je marche. C’est bon comme sensation !
Les images qui suivent illustrent ce propos présentent le papier et la cire à divers stade du processus de
fabrication. Si les images sont belles, ce n’est pas pour rien : elles sont l’œuvre d’Ernest Puerta, photographe doté d’un oeil.